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7 mai 2017

CROQUIS. LA VICTOIRE DES OCCASIONS PERDUES

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6 mai 2017 Par Hubert Huertas

Une campagne extraordinaire vient de s’achever. Elle a chamboulé des équilibres installés depuis un demi-siècle. Dans ce grand chambardement, la victoire potentielle d’Emmanuel Macron s’est construite sur les erreurs de tous les autres, ou sur leurs fautes.

 

abord se souvenir d’où l’on vient pour savoir où l’on va. Pour mesurer le séisme, considérons ce que disaient les augures il y a quelques mois encore. Prenons le sondage le plus crédible. Un échantillon de 18 569 personnes, interrogées du 9 au 18 septembre 2016 par l’institut Ipsos pour Radio France et le journal Le Monde.

Plusieurs hypothèses étaient alors envisagées. Nicolas Sarkozy était donné entre 18 et 22 %. Il est sorti de la route le 20 novembre, sèchement éliminé au soir du premier tour de la primaire à droite. Dégagé. Alain Juppé était le mieux placé. Jusqu’à 34 %. Il est rentré à Bordeaux la semaine suivante. Dégagé. Battu par un Fillon surgi de nulle part, et certain de devenir président sans avoir à lever un sourcil.

Marine Le Pen était promise à sortir du premier tour en tête, entre 28 et 30 %. En juillet, un sondage l’avait même donnée à 36 %. Elle s’est qualifiée au second tour avec 21 %… Pas dégagée mais affaiblie. Dans ce sondage de septembre, François Hollande était classé en troisième ou quatrième position, aux alentours de 13 %, parfois dépassé par Jean-Luc Mélenchon, 14 %. Le président sortant a renoncé à sa candidature le 30 novembre. Auto-dégagé.

François Bayrou soutenait Alain Juppé, et si Sarkozy était candidat il plafonnait entre 9 et 12 % en fonction de la présence ou de l’absence d’un certain Emmanuel Macron, qui oscillait entre 12 et 14 %. Il a rejoint Macron.

En bref, le second tour devait être une affaire entre le Front national, ultra-puissant, et le candidat de la droite, assuré d’entrer à l’Élysée.

De son côté, Manuel Valls attendait son heure. Sa dernière a sonné comme une humiliation, le 29 janvier, quand il a été battu par Benoît Hamon. Dégagé à son tour.

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Que s’est-il donc passé en l’espace de huit mois pour que les puissants soient abattus, et qu’un ovni de la politique française s’apprête, dimanche soir 7 mai 2017, à devenir le plus jeune président de la République que la France ait connu ? Comment cet homme a-t-il pu passer du stade de « bulle » à celui de recours, pour incarner un vote sans doute négatif, sans doute « par défaut », mais finalement majoritaire ?

Certaines réponses avancent l’hypothèse d’une espèce d’opération publicitaire organisée par le système économique et médiatique pour imposer Macron aux Français. Cette hypothèse ne suffit pas à expliquer sa montée en puissance. Quelque chose a échappé à toutes les prévisions. Le rappel des fameux sondages est là pour attester que l’événement n’était prévu par personne. Les chaînes d’info en continu ont disserté pendant mille heures de perspectives qui ont été soufflées.

L’ascension d’Emmanuel Macron s’explique par les erreurs ou les fautes de tous ses adversaires. Chacun a gaspillé, ou amoindri ses chances. La victoire probable de l’élu de 2017 est la somme des occasions perdues par ses concurrents directs.

Prenons la droite qui n’a pas seulement laissé passer son tour, mais qui s’est suicidée par absence de courage et par négligence morale. Dès la fin du mois de janvier, François Fillon ne pouvait pas demeurer candidat. Il était plus démonétisé qu’un mark allemand sous la République de Weimar, quand il fallait une brouette de billets de banque pour acheter une baguette de pain. Sa candidature était techniquement impossible, tant l’homme était déconsidéré, et elle était inconcevable sur le plan de la morale. Le grand chef dont on découvrait les petites manigances s’enfonçait dans des mensonges d’école primaire et des défenses délirantes. Il devait laisser la place. Parce que Sarkozy pensait tirer les ficelles et ne faisait que les emmêler, parce que des ambitions contraires pouvaient entrer en conflit, parce que des jusqu'au-boutistes ont afflué au Trocadéro, et parce que la droite se sent propriétaire du pouvoir, elle a laissé filer son Titanic en loques vers l’iceberg du premier tour.

Prenons maintenant Marine Le Pen. La grande question était de savoir si elle se heurterait au plafond de verre du front républicain après avoir remporté le premier tour. Or elle n’est pas sortie en tête, son score était en deçà de ses espérances, mais elle s’est surtout cognée aux limites de sa campagne et de son arrogance décalée. Ricaner jaune ne suffit pas. Le débat de mercredi, tragique pour elle, a toutes les chances de jeter le Front national dans une crise existentielle. La lutte entre les anciens et les prétendus modernes couvait depuis longtemps, elle reprendra dès lundi.

Marine Le Pen se distinguait par le concept de « dédiabolisation », elle l’a dézingué en direct, en renvoyant son parti familial à sa dimension originelle : une faction de soudards de la gueulante. L’extrême droite est encore puissante, mais en crise assurément. Symptôme de ce changement : la semaine dernière, la candidate frontiste pouvait se promener dans une France qui s’était comme acclimatée à ses excès, elle pouvait se moquer de son adversaire qui se faisait siffler à Amiens. Ces jours-ci, elle a reçu des œufs sur la tête, à Dol, jeudi, et Reims, vendredi.

Prenons encore le cas de la gauche socialiste que Manuel Valls espérait récupérer, pour en faire un tremplin. Comment l’ancien premier ministre a-t-il pu croire qu’il suffirait de casser le PS en deux, une aile droite et une aile gauche inconciliables, pour en faire une fusée qui le mettrait en orbite ? Il s’est passé ce qui devait arriver. L’un des morceaux est allé à Benoît Hamon en le réduisant à 6 %, des éclats sont partis vers Jean-Luc Mélenchon, et la plus grosse des portions a vogué vers Emmanuel Macron.

Prenons enfin le succès paradoxal de Jean-Luc Mélenchon. Il a réussi son pari, envoyer le PS en enfer, mais il plafonne dans son envol. Homme fort de la campagne du premier tour par son sens de l’organisation, son charisme, et son talent de tribun, il s’est heurté à lui-même. Avec la croissance des insoumis, son audience a beaucoup grandi, mais son incapacité à nouer des alliances, sa manière de transformer en trahison les divergences ou les critiques de ses partenaires potentiels, l’ont réduit à sa personne et à la foule de ses fidèles. Depuis cinq ans, il a méthodiquement honni le PS dans un jugement global, jusqu’à jeter dans un même sac les frondeurs et les soutiens de Valls. Il s’est fâché avec les écologistes. Il a dénoncé les communistes après les municipales et les pourfend maintenant à propos des législatives.

Ce tout ou rien a du panache, il aimante de nombreux soutiens (le score du premier tour est là pour le prouver), mais combien d’alliés et d’électeurs potentiels ont été repoussés ? Or ces renforts, qui ne se sentent pas hostiles aux insoumis mais refusent de se soumettre à eux, sont nécessaires pour que la gauche puisse encore exister. Mélenchon ne sera pas président, il est l’homme fort de la gauche, mais la gauche est affaiblie. Le total de ses électeurs plafonne à 27 % quand il atteignait les 43 %, cinq ans plus tôt. Des alliances sont donc vitales pour éviter un désastre aux prochaines législatives.

Résumons : la droite aurait dû gagner mais elle a sombré, l’extrême droite pouvait prospérer mais elle s’est ridiculisée, la gauche conduite par Mélenchon aurait pu s’élargir mais elle est morcelée. Les battus de la présidentielle n’ont pas tous la même responsabilité, ni le même degré d’échec, mais ils ont un point commun. Ils ont offert leurs occasions manquées à Emmanuel Macron, qui n’en a perdu aucune.

 

Source Mediapart : https://www.mediapart.fr/journal/france/060517/croquis-la-victoire-des-occasions-perdues

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